La Journée internationale de l’infirmière est célébrée dans le monde entier le 12 mai, jour anniversaire de la naissance de Florence Nightingale (1820-1910).

Cette infirmière britannique est une pionnière des soins infirmiers modernes. Elle a, notamment, été la première personne à définir que chaque patient a des besoins individuels, que le rôle de l’infirmière vise à satisfaire ces besoins et elle a pris en compte les dimensions santé-maladie des soins infirmiers. Elle a aussi fait des soins infirmiers une occupation respectée en établissant une formation, en soulignant l’importance d’une éducation continue, et en distinguant les soins infirmiers de la médecine.

De par son courage, de son implication dans un domaine autrefois réservé aux hommes, elle a ouvert la voie et l’accès à cette profession à de nombreuses femmes.

Cette journée est une occasion de revendiquer une amélioration des conditions de travail des professionnels de l’art infirmier.

La crise COVID est venue comme un tsunami balayer la motivation des dernières forces vives.

Il y a bien eu des promesses ses 2-3 dernières années, et même des décisions budgétaires importantes, mais la profession ne les croit plus, elle demande du concret et à court terme !

Parlons franchement !

Osons parler des salaires et de normes : décidons concrètement !

La loi sur l’utilisation du « fond blouses blanches » de 400 millions d’euros annuels vient enfin d’être votée, les partenaires sociaux doivent utiliser ce budget immédiatement pour engager du personnel. D’abord des aides logistiques et administratives, et des aides-soignants, le temps que plus d’infirmiers sortent des écoles. Ensuite, dès que possible, des infirmiers. Il faut donc prévoir que dans quelques années les emplois non-infirmiers créés aujourd’hui soit petit à petit remplaçable par des praticiens de l’art infirmier.

Le gouvernement fédéral a budgétisé, en plus de ce fonds blouse blanche, 600 millions d’euros annuels afin d’augmenter également le nombre de personnel dans certains services, mais aussi de mettre en œuvre des nouveaux barèmes (= IF-IC à 100%) dans les hôpitaux privés dès ce mois de juillet et de commencer à le faire dans les hôpitaux publics.

La Wallonie a aussi débloqué un budget pour les travailleurs des secteurs de soins de santé issus de sa compétence comme les maisons de repos.

Les infirmières et infirmiers ne peuvent attendre les tergiversations entre partenaires sociaux pour bénéficier de ces aides et revenus complémentaires, ils doivent arriver cette année !

D’autre part, depuis 2016 les infirmiers ont vu leurs études de bachelier passer à 4 ans, or les barèmes IF-IC construit avant cela n’en n’ont pas tenu compte. Il en va de même pour ceux qui se spécialisent, parfois en faisant une 5ème année. Il faut une compensation supplémentaire de cette année de revenus perdues dans le nouveau modèle salarial. Tous les infirmier.es concernées par des études de 4 ou 5 ans, et pas uniquement ceux qui travaillent dans un service aigu, doivent rejoindre la même échelle barémique que les kinés (qui font eux aussi 4 ou 5 ans d’études), et tous les infirmier.e.s sans distinction doivent bénéficier de sursalaires dignes de ce nom pour les horaires inconfortables et les WE travaillés, soit 20% avant 8h et après 18h, et 100% les samedis et dimanches.

Les normes de sécurité en nombre d’infirmiers par patient tels que proposés dans le rapport KCE de 2018 à ce sujet doivent être atteintes grâce à des engagements financés par ce budget de 600 millions du gouvernement fédéral et inscrits dans de nouvelles normes d’agrément prises par les régions. En attendant que ces normes soient atteintes (donc que suffisamment d’infirmiers sortent des écoles pour être engagés), et dès cette année 2021, les infirmier.e.s qui travaillent dans des situations plus dangereuses que dans ces recommandations du KCE doivent recevoir une compensation sous forme de « prime de danger » (financée par la proportion du budget qui n’arrive pas à être utilisé faute d’engagements d’infirmiers).

Le budget de l’INAMI concernant les soins infirmiers à domicile doit bénéficier de la norme de croissance de 2,5% annuelle comme indiquée dans l’accord du gouvernement fédéral, afin que les prestations infirmières à domicile s’améliorent également.

Les régions, compétentes pour l’organisation des soins de première ligne et le financement des institutions de santé non-hospitalières doivent aussi faire leur part du travail. Les lieux de travail et les modèles de collaboration particulièrement attractifs pour les infirmières et infirmiers, telles que les maisons médicales ou les structures alternatives à l’hospitalisation, doivent être soutenues et multipliées avec l’aide de budgets régionaux. Depuis 2020, les régions font évoluer les normes en MR-MRS afin d’augmenter le nombre de soignants disponibles pour les résidents, ce mouvement doit continuer, les régions doivent y consacrer les moyens nécessaires.

Dans les communautés, plus de places doivent être garanties pour des infirmières dans les différentes structures qui en ont besoin, comme les services de santé à l’école.

Pour terminer, une prime d’installation ou de « retour à la vie active » devrait être envisagée dans les zones du pays en grand déficit d’infirmiers actifs, comme cela se fait déjà pour les médecins généralistes avec les primes Impulseo.

Osons parler de l’évolution de la profession et de la législation : travaillons-y tous ensemble !

Depuis la législature précédente, la législation infirmière n’a fait l’objet que de modifications cosmétiques et toujours dans le sens d’une délégation vers d’autres. Il y a probablement des délégations nécessaires, mais la réflexion ne prend jamais suffisamment de hauteur et ne suit jamais les avis prospectifs du Conseil Fédéral de l’Art infirmier qui depuis des années fait des propositions pour le futur : des aides-soignants mieux formés et plus autonomes (niveau 4 ou 5), une infirmière de haut niveau de compétences et d’autonomie (niveau 6), une autonomie croissante en fonction de la spécialisation, voire de la pratique avancée (niveau 7).

L’accord de formation du gouvernement fédéral indique qu’une solution, avec profil de fonction clair et distinct, sera trouvée pour la formation en soins infirmier de niveau 5 (= secondaire supérieur professionnel « hbo5 » en Flandre, « brevet » en CFWB). Une pratique de l’art infirmier échelonnée sur plusieurs niveaux semble utile à mettre en œuvre. Elle est possible en garantissant à la fois à tous les anciens diplômés de conserver leurs droits, d’en créer des nouveaux pour les futurs diplômés du niveau 5, et d’accroître l’autonomie des infirmiers qui depuis peu font 4 à 7 ans d’études. Et l’enseignement doit permettre à celui qui le souhaite de gravir tous ces échelons de formation à son rythme, de l’aide-soignant à l’infirmier de pratique avancée… créons un ascenseur social dans ce domaine encore majoritairement féminin !

Tous les ministres de la santé et de l’enseignement de notre pays doivent trouver un accord ferme à ce sujet avant la fin de cette année.

Ensuite les ministres de la santé indiqueront comment ils comptent améliorer l’impact des tous les praticiens de l’art infirmier sur la santé de la population et de quelles adaptations/amélioration les formations doivent encore bénéficier.

Il faut prévoir des aménagements permettant de privilégier l’activité des infirmières auprès du/de la patient.e, trop réduite par d’autres taches, administratives et autres.

L’organisation du travail doit aussi être optimalisée pour limiter la pénibilité du travail comme infirmière : horaires plus en adéquation avec la vie sociale et familiale.

Pour ce qui est des arrêtés de délégation infirmière vers des personnes non-qualifiées pris dans le cadre de la crie COVID, ceux-ci doivent bien entendu être supprimés dès que la 3ème vague sera passée. En attendant, les Ministres Ecolo dans les entités fédérées n’ont pas l’intention de les utiliser pour les secteurs qui les concernent, que ce soit pour la vaccination ou pour d’autres soins techniques.

Osons parler de la concertation infirmière !

Les praticiens de l’art infirmiers représentent au moins 50% des travailleurs de la santé, et bien qu’ils disposent d’une coupole d’associations professionnelles reconnue pour les représenter elles sont très peu consultées ni même suivies quand elles s’expriment par exemple via le Conseil Fédéral de l’art infirmier. Au niveau de la négociation des budgets de la santé, à l’INAMI, la représentation des infirmières au comité de l’assurance n’est ni proportionnelle à leur nombre ni aux coûts qu’elles représentent, et la représentation en commission de convention est très partielle. Au niveau local (dans les hôpitaux par exemple), les infirmières sont très peu voire pas du tout consultées, contrairement aux médecins.

Dans le cadre de négociations salariales et sociales ce sont les grands syndicats nationaux représentant l’ensemble des travailleurs du secteur qui doivent être entendus, mais les matières relatives à l’évolution de la profession, sa formation initiale et complémentaire, les caractéristiques de son travail, son contenu, sa législation, etc relèvent des compétences des associations d’infirmières et des praticiens de terrain eux-mêmes.

Nous demanderons donc que le Ministre fédéral de la santé suive les avis émis par le Conseil Fédéral de l’Art Infirmier et sa Commission Technique, qu’au sein de l’INAMI la représentation infirmière en commission de convention soit le reflet de sa diversité à domicile et proportionnelle au Comité de l’Assurance, et aux Ministres de la santé des régions que dans les hôpitaux et réseaux hospitaliers soient créés des organes d’avis propres à la profession infirmière.

Osons parler de l’accompagnement des étudiants, de la formation continue, de la fin de carrière et de la pension !

Les étudiants infirmiers se voient de plus en plus livrés à eux-mêmes (devoir par exemple trouver eux-mêmes des lieux de stage) et doivent de plus en plus supporter des coûts indirects liés à leur formation (repas sur les lieux de stage, frais de nettoyage de leurs uniformes, déplacements sur des lieux de stage loin de leurs écoles,…).

Ils ne peuvent pas être considérés comme faisant partie du personnel dans le calcul des normes mais parfois les circonstances font qu’ils sont une ressource précieuse pour des équipes sous tension, subitement déforcées ou débordées.

Pour ces 2 raisons, une limitation voire interdiction des charges susmentionnées doit être obtenue par les Ministres de l’enseignement, et/ou un éventuel dédommagement financier de ces contraintes doivent être fournies par les lieux de stage.

Par ailleurs, l’INAMI doit accepter, comme elle le fait pour les médecins, que les prestations fournies par des stagiaires infirmiers (p.ex. en dernière année) soit en partie facturables à l’assurance maladie.

Le budget alloué à stimuler, organiser, et récompenser la formation continue des infirmières, dans tous les secteurs, doit être doublé.

Les mesures de fin de carrière allouées depuis 2001 aux infirmières (jours de congés supplémentaires en fonction de l’âge) doivent être additionnées par institution et compensées globalement par des engagements d’infirmiers plus jeunes. Ces nouveaux engagés doivent être affectés de préférence aux équipes mobiles qui viennent remplacer les absences ponctuelles.

Le gouvernement fédéral doit garantir aux infirmières et infirmiers que le métier est reconnu comme pénible dès la réforme des pensions.

Nous pensons qu’il est temps de compenser les mauvaises nouvelles régulièrement envoyées à la profession infirmière ces dernières années par une compensation digne en terme financier et de reconnaissance socio-politique. Si nous ne le faisons pas maintenant en crise Covid, nous ne le ferons jamais !