Après 3 mois de commission, plus de 50 témoins et plus de 86 heures d’auditions…. Voilà le temps des conclusions.

Avant de commencer cette commission, nous avions émis des réserves sur la forme et sur le timing.

Nous aurions préféré organiser une commission COVID-19 rassemblant tous les niveaux de pouvoir et nous aurions préféré le faire après la crise.

Malgré ces difficultés de départ, la commission a construit un rapport composé d’une partie comprenant la santé & les aînés et d’une partie concernant toutes les autres compétences de la Wallonie.

Ce sont donc pas moins de 236 recommandations qui répondent aux constats et aux témoignages entendus pendant les commissions.

Complexité institutionnelle

Beaucoup d’acteurs ont témoigné de la complexité institutionnelle de la Belgique.  Ce qui a vraisemblablement mis à mal la gestion de la crise dans ses débuts. A tel point que certains la désigne comme un élément responsable de la mort d’un grand nombre de citoyens.

Cette crise a mis en avant les lacunes de la 6ème réforme de l’État. En effet, la Belgique n’était pas prête à vivre une pandémie de cette ampleur. 

Au niveau Wallon, nous pouvons pointer l’absence des Régions dans les plans d’urgence. Ce qui a eu comme conséquence, un manque de culture de gestion du risque dans les différentes administrations de Wallonie comme par exemple l’Aviq.

Recommandation 7 du chapitre I

Fixer par décret le cadre légal concernant le Centre régional de crise, ses missions et ses moyens d’action. Ce cadre devra également s’appuyer sur les recommandations et l’expérience de gestion de crise des gouverneurs en leur qualité de commissaires de la Région wallonne.

Le Centre régional de crise aura notamment pour mission, complémentairement aux dispositifs fédéraux existants, de publier régulièrement une analyse de risque et de préparer l’établissement, à l’échelle des services publics wallons, d’un « système de gestion des incidents », c’est-à-dire un cadre standard pour répondre aux événements internes et externes qui nécessitent une réorganisation immédiate des priorités quotidiennes et le déploiement de ressources humaines ou matérielles.

La complexe répartition des compétences entre les différents niveaux de pouvoirs a été un frein dans la gestion de la crise surtout au début de celle-ci.

A la question du nombre de ministres de la Santé en Belgique. Qui est une question légitime des citoyens, nous avons voulu y répondre en s’inscrivant dans l’accord au niveau fédéral de la réforme de l’Etat.  Le gouvernement fédéral a décidé d’entamer la réflexion sur l’organisation de la Belgique à travers une réflexion avec les citoyens, les acteurs de terrain et les acteurs académiques. Avec la première recommandation, la commission souhaite s’inscrire dans cette démarche.  Nous souhaitons avoir la première réforme de l’Etat faite avec les citoyens et avec les acteurs de la Santé.  C’est à ce moment là qu’il faudra réfléchir à la meilleure organisation possible des soins de santé et nous n’avons pas de tabous sur le nombre de ministres en charge de notre santé.

Recommandation 1 chapitre I

Évaluer la répartition des compétences de Santé au sein de l’État à partir d’un large débat démocratique, impliquant notamment les citoyens, la société civile et les milieux académiques. La concertation avec les acteurs de la santé doit constituer un élément important de l’évaluation de l’organisation des compétences en matière de Santé.

Personnel soignant

Le chapitre sur le personnel est important car il faut attirer l’attention sur toutes les difficultés qu’ont dû surmonter les soignants. Mais force est de constater que ces difficultés étaient déjà bien présentes avant la crise. En effet, cela fait un moment que le manque de personnel et de moyens se font sentir dans le secteur.

Recommandation 6 chapitre III

Pour répondre à ce constat, la commission a voulu accroître les normes de personnel au sein des maisons de repos, maisons de repos et soins et des services résidentiels pour personnes en situation de handicap, afin de renforcer les équipes de soins au sein des maisons de repos mais également, le personnel d’animation et d’encadrement, logistique et administratif dans toutes les structures. Il s’agit d’envisager une refonte des normes d’encadrement en personnel dans le secteur des maisons de repos et maisons de repos et soins, afin de permettre au personnel de mener à bien ses missions dans de bonnes conditions et d’assurer un meilleur équilibre entre les différentes fonctions et d’engager de nouveaux profils, comme des animateurs, des psychologues, des diététiciens, logopèdes, etc.

Recommandation 10 chapitre III

Une attention particulière dans les recommandations a été mise sur le soutien psychologique des travailleurs.  En Assurant un soutien psychologique fort auprès du personnel confronté aux malades de la pandémie, en assurant diverses méthodes de contacts (ligne gratuite, consultation hors et dans l’institution, groupes de parole, etc.) pour que chacun puisse choisir le soutien de son choix.

Nos aînés en maison de repos

Les discussions en commission ont porté essentiellement sur nos aînés en maison de repos. Il ne pouvait en être autrement au vu de la crise qu’ont connu nos aînées.

Pendant la crise, les aînés ont ressenti un sentiment d’abandon. De nombreux témoignages viennent illustrer ce constat. Ce sentiment d’abandon est multiple donc les réponses données dans les recommandations sont aussi multiples :

Les aînés ont eu le sentiment d’être abandonné car….  ils n’ont pas pu voir leur famille.

Recommandation 2 chapitre IV

Dans les recommandations nous appuyons sur la nécessité de garantir le droit de visite. Pour assurer le bien-être des résidents en évitant dans la mesure du possible la rupture des contacts sociaux et l’isolement complet en chambre lors d’une pandémie. Pour se faire, il est nécessaire de garantir le droit des visites selon un protocole à définir qui permettra de garantir au maximum la sécurité sanitaire des résidents et de l’institution;

Les aînés ont eu le sentiment d’être abandonné car… ils n’ont plus été maître de leurs décisions.

Recommandation 7 chapitre IV

Nous réaffirmons notre volonté de leur donner plus de places dans les décisions qui les concernent.  Les relations entre les résidents et les soignants en partant de l’histoire et du vécu des résidents afin de personnaliser le contact et de respecter le plus possible leurs habitudes de vie. En prenant en compte l’avis des résidents dans toutes les décisions qui les concernent (selon le modèle « Tubbe » ou similaire).

Les aînés ont eu le sentiment d’être abandonné car … il y eu un manque de continuité de leurs soins.

Le personnel médical dans son ensemble a fait preuve de courage et d’abnégation pendant toute la crise. Malheureusement à certains endroits, la continuité des soins et du suivi médical n’a plus été assuré.

Recommandation 8 chapitre IV

Nous soulignons que la continuité des soins est un droit essentiel pour nos aînées.

Pendant de nombreux mois, il faudra soutenir psychologiquement ces résidents. Certains ont perdu des amis, d’autres ont été éloigné de leur famille. Il faudra assurer le suivi post traumatique des résidents et des familles touchées par la maladie ou le décès d’un proche.

Recommandation 6 chapitre IV

Assurer un suivi psychologique et/ou psychosocial interne et externe à l’institution pour les résidents et le personnel, tant pendant les périodes de crise qu’en dehors. Cela nécessite également une plus grande valorisation des formations de psychologie adaptées à la prise en charge du vieillissement.

Une préoccupation qui a traversé la commission était de comprendre pourquoi certains résidents en maison de repos n’ont pas pu être hospitalisés.

Au vu des auditions, on peut conclure qu’il n’y a pas une cause, mais des causes à cette « non hospitalisation » :

    • Le manque de médecins généralistes qui n’ont pu donner des instructions sur la continuité des soins,
    • La décision de médecins urgentistes,
    • Le choix posé en fonction des interprétations du rapport des comités scientifiques,
    • La primauté du choix thérapeutique.

Les causes sont donc multiples, mais les bases communes de ces situations est la méconnaissance du travail qui est fait en soin intensif et l’absence de projet thérapeutique pour les résidents.

Recommandation 4 chapitre IV

Sensibiliser les médecins généralistes, les médecins coordinateurs et les gestionnaires d’institution afin que chaque résident définisse son projet thérapeutique pour garantir le respect de ses choix en assurant une meilleure prise en charge en cas de soins, mais également dans l’éventualité de devoir mettre en place un accompagnement de fin de vie, et assurer la formation et le financement de personnel affecté à cette tâche spécifique au sein des maisons de repos et de soins.

L’aviq a été confrontée à la gestion de crise.

Cette institution n’était clairement pas prête à gérer ce genre de situation. Si elle n’était pas prête, force est de constater toute l’ardeur qu’on mit les travailleurs de l’aviq pour répondre au mieux à la situation.

Nous pouvons nous questionner et améliorer son organisation, son approche, sa communication,…

mais nous devons reconnaître que l’Aviq a fait un travail essentiel avec les moyens qui étaient les siens.

Recommandation 3 chapitre V

Mettre en place un plan régional de prévention des pandémies intégré, pérennisé et concerté avec les autres niveaux de pouvoir, disposant des moyens financiers nécessaires et mis à jour régulièrement, tenant compte des recommandations et pratiques déjà existantes, afin qu’en cas de crise, un protocole pré-établi des actions à mener dans le cadre de la gestion d’une crise sanitaire soit clairement défini.  Transposer, à l’échelle régionale, dans le milieu sanitaire, les modèles de plans comme c’est, par exemple, le cas pour les plans catastrophes initiés en cas d’écrasement d’un avion, d’un attentat,
d’une catastrophe industrielle.

L’absence de plan d’urgence.

Cette absence a été préjudiciable pour la Wallonie et plus particulièrement dans les maisons de repos. Le plan rebond de la ministre a permis de palier partiellement ce manque. Il faudra continuer à évaluer ce plan et la rendre pérenne même en dehors des crises.

Il faudra aussi réfléchir, au rôle des maisons de repos et aux normes qui l’encadrent. Pour que les maisons de repos soit plus résilientes et efficace face à des épidémies. Mais il faudra aussi réflechir à sa place comme lieu de vie de nos aînées. Il faut les sortir de l’image de mouroir qui lui colle à la peau, mais aussi offrir d’autres alternatives d’hébergement à nos aînées. C’est pour cela qu’avec d’autres députés nous commençons un rapport parlementaire sur cette question.

Recommandation 8 chapitre VI

Développer une nouvelle politique d’accueil et d’hébergement pour les personnes âgées, dans laquelle une place centrale sera accordée aux résidents, en tant qu’acteurs et partenaires de la vie au sein de l’institution.

Une redéfinition des normes d’architecture sera étudiée. En parallèle, développer une politique globale et suffisamment financée du bien vieillir offrant une diversité de lieux de vie entre le maintien au domicile et la maison de repos favorisant des projets innovants et alternatifs (soins et aide à domicile, centre de soins de jour, habitat intergénérationel, la colocation, résidences services, etc.).

Manque de matériel.

Depuis le début de la crise, nous savons que le manque de protection a été la première cause de difficulté. Ce sentiment a été partagé par tous les témoins qui sont venus en commission.

Nous savons que le stock stratégique est une compétence fédérale, mais au vu de la situation il faut que la Wallonie constitue aussi une réserve. La Wallonie a d’ailleurs été un pas plus loin en proposant même de relocaliser la fabrication.

Recommandation 1 chapitre VII

prévoir, s’assurer et cartographier en utilisant les nouvelles technologies digitales la disponibilité et la sécurité d’un stock stratégique en équipements de protection individuelle (masques, masques transparents pour permettre la communication avec les personnes sourdes ou malentendantes, blouses, tabliers, gants, etc.) afin qu’en cas de crise aiguë, chaque praticien et institution puissent être rapidement équipés en cas de manque par le niveau de pouvoir dont ils relèvent. Ces stocks devront être gérés de manière « dynamique » afin d’éviter que du matériel dont la date de péremption est arrivée à échéance ne soit détruit et ainsi, éviter le gaspillage des deniers publics;

Testing

Une difficulté pointée par les acteurs c’est que les tests au sein des maisons de repos sont arrivés beaucoup trop tard. Le virus a pu rentrer sans qu’on soit capable de le détecter. Ce testing au sein des MRS était tributaire de la capacité de tests. Malheureusement, cette capacité est une compétence fédérale. Il faudra donc attendre la fin de la commission au niveau fédéral pour éclaircir ce point.

Information et communication.

A aucun moment, nous ne pouvons modifier des données scientifiques pour satisfaire les arbitrages politiques.

L’exemple sur l’utilisation des masques en début de crise est le plus frappant en terme de cohérence et de transparence. En effet, le discours sur l’utilisation scientifique du masque a été modifié pour tenir compte de la pénurie.

L’information et la communication ainsi que la transparence et la clarté des messages sont des points d’attention dans les recommandations.

Recommandation 8 chapitre X

Tenter de clarifier dans le débat public ce qui relève des données scientifiques et des options qui en résultent et ce qui relève des arbitrages politiques.

Organisation du système de santé.

Le dernier point reprend l’organisation du système de santé. La commission souhaite un système de santé basé sur la prévention, la promotion de la santé et la santé communautaire. En permettant aux acteurs de première ligne de travailler en réseau.

Recommandation 1 chapitre XI

Assurer un (ré)investissement massif et durable du volet préventif pour une approche de santé publique inclusive pérenne et globale. Investir dans des stratégies de santé publique qui mettent à l’honneur la prévention, la promotion de la santé et la santé communautaire.

Si notre système de soins avait été basé sur ces principes, nous aurions eu une société plus résiliente face à la crise.

Malheureusement, nous ne pouvons pas revenir en arrière, mais nous espérons que nos recommandations puissent permettre à la Wallonie d’être mieux armée face à n’importe quelle crise.

Maintenant commence le suivi de ces recommandations et c’est notre travail de parlementaire qui le permettra !

Laurent Heyvaert

Député wallon

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